Terrains Vagues

Imaginez la rencontre d’un compositeur reconnu et d’artistes à découvrir, l’association d’un sujet intemporel et de problématiques actuelles, un mélange de classique, de jazz et de musique contemporaine, le tout mis en scène dans un décor du XXIe siècle… Ces unions inattendues se retrouvent et se marient parfaitement dans la dernière création de Jacques Colson : Terrains Vagues.

Du 28 février au 4 mars, le Théâtre National de Bayonne accueillait donc cette comédie musicale pour une dizaine de représentations successives.
Représentation du 3 mars. Cadre magnifique (peu de personnes peuvent se vanter de commencer leur carrière dans un lieu tel que celui-ci). Le public s’installe. Noir. La première chose que l’on entend est… un cri de guerre ! Auto-motivation des acteurs qui fait sourire le public. Lever de rideaux.

En toile de fond une simple peinture : une autoroute, des immeubles… un terrain vague.
Sur scène, le décor est simple, il oppose deux mondes, deux réalités sociales : coté jardin des caisses empilées les unes sur les autres, taggées. En face, à droite, on aperçoit une sculpture respirant la tranquillité, la beauté. Le premier lieu, symbole de la banlieue, de la difficulté sera le refuge des garçons, le second celui des filles, de la bourgeoisie. Au centre et en évidence, une Corsa coupée, transformée en décapotable pour l’occasion. Cette voiture, présente tout au long de la pièce, soulignera à elle seule l’omniprésence du personnage principal : Bagarras. La pièce commence avec une chorégraphie dynamique. Parmi les filles, on remarque principalement deux excellentes danseuses. L’une laissant deviner une formation classique, l’autre une formation plus contemporaine, modern-jazz ou hip-hop. Puis s’enchaînent ainsi 20 autres tableaux autour du thème de la confrontation, de l’opposition : celle des classes sociales (pauvres contre bourgeoisie), des sexes (filles contre garçons) et, par la mise en scène, des styles (classique contre contemporain).
Bagarras, leader rebelle du groupe des garçons, tombe amoureux de Tendra, belle mais d’une autre classe sociale. Leurs milieux d’origine ne seront pas la seule difficulté. Interviennent la fierté, l’honneur, la jalousie, l’amitié. Même si l’amour, fil rouge de cette comédie musicale, n’est pas un sujet révolutionnaire, il fonctionne. Cela est certainement dû aux 4 principaux acteurs-chanteurs-danseurs : Florence Colson (soprane), Laure Laborde (mezzo), MaTThieu Max (baryton) et Sébastien Paulini (ténor). Bien que Terrains Vagues soit leur première « prestation professionnelle », ils sont tous les quatre magnifiques. Ils arrivent à concilier le chant, la danse et le jeu sans laisser transparaître quoi que ce soit qui sortirait de leur rôle. Notons également une attention particulière pour les danseurs qui évoluent remarquablement au travers de chorégraphies hip-hop / break-dance, moyens d’expression de leurs revendications.

Un coup de chapeau à ces artistes à qui l’on souhaite une longue carrière. Terrains Vagues est un pari réussi. Des éléments sont certes à retravailler (on ne comprend pas toujours tous les messages, toutes les subtilités du créateur) mais ils promettent, après quelques modifications, un grand show d’ici très peu de temps.

Suite la semaine prochaine avec l’interview de MaTThieu Max…

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Thee Silver MT Zion and the Tralala Orchestra – Brou-lala symphonique

Une dépression post-rock s’est abattue sur Rennes ce dimanche à l’Antipode et pas n’importe laquelle : les descendants directs de « Godspeed you! Black Emperor », j’ai nommé « Thee silver MT Zion » en personne. Excusez du peu. Les demi-dieux canadiens ont revêtu leurs guêtres symphoniques (guitares, violons, violoncelle, contrebasse et batterie) pour un concert habité, poignant, presque humain. Chaque membre officiant comme choriste, tour à tour en couple ou tous ensemble, les voix comme blessées à mort, déchirées et déchirantes. Une ambiance quasi shamanique quand elles surgissent de partout, à l’unisson pour une musique engagée et tiraillée qui sait prendre son temps, qui monte en pression et qui explose par vagues pour mieux se répandre sur un public fasciné.
Les nouveaux morceaux s’enchaînent avec les succès de leurs précédents opus. Curieusement, ce ne sont pas les plus connus d’entre eux qui envoûtent le plus, mais d’autres, presque violents, plus acharnés encore. Les passages instrumentaux sont d’une puissance à renverser un buffle. Ils vous soufflent dessus et vous devez lutter fort pour ne pas basculer.
Et l’humanité dans tout ça ? Elle apparaît par bribes, dans les détails. La chaleur étouffante de la salle non climatisée et surpeuplée ; les gouttes de sueur d’un Efrim qui a suinté sang et eau et sans discontinuer, à la Brel, à force de déchirure ; une corde qui casse et autres séances d’accordage prolongées (la faute aux mains moites des musiciens), l’occasion pour le coup de discuter, avec le public et avec humour, de cette musique qui « ne dure pas 3 minutes » (mais 7 à 15 !) ou encore de la pluie et du beau temps à Rennes.
Et pour compléter ce tableau : « l’instant parfait ». Ce petit plus qui crée les légendes. Une poignée de secondes ; un moment de magie pour qui aura su prêter attention. La fin approchait lorsque la Dame aux oiseaux tatoués sur chaque épaule – Jessica – fit littéralement gémir son violon. Après avoir posé son archet, elle saisit son instrument à pleines mains. Et c’est sensuellement, avec la bouche, qu’elle fit fondre les larmes de ses cordes en un cri discret et douloureux : les larmes d’un ange. Dieu sait ce qu’elle lui chuchotait…
Vous l’aurez donc compris, ne manquez pas le brou-lala symphonique des Canadiens de Silver MT Zion… Ce n’est certes pas le genre de musique que l’on met en soirée, ni même au salon avec des amis, c’est une musique solitaire et dépressive que l’on écoutera au casque… ou en concert. Car oui, c’est bien en live – devant un public respectueux et non dans une ambiance de festival – que cette musique prend tout son sens.

Mes respects aniMistes aux vaillants Canadiens et à tous ceux qui auront su apprécier ce moment de dépression intense.

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