Oscar Matzerath – La Vieille, la Belle et l’Autre


Dehors, la pluie bat le pavé parisien. De toutes leurs puissances, les nuages lâchent leur larmes, pics de cristal. Le vent frappe la nuque, une mèche collée sur le visage, une goutte qui ruisselle, sensuellement, derrière l’oreille… Etroite rue, quartier inconnu, un pub. Soudain, la porte, dans une bourrasque s’ouvre. Tandis que la lune rase la pièce d’un éclair argent, une ombre apparaît. Féminine. Un homme, accoudé au bar, alors se retourne…

Les premières secondes de l’album d’Oscar Matzerath, La vieille, la belle et l’autre, laissent penser à un western parisien : soirée pluvieuse, sombres ruelles, duel amoureux. Une atmosphère fantasmagorique et brumeuse qui restera accrochée aux oreilles jusqu’à la note finale de l’album. Les mélodies d’Oscar Matzerath, et la voix mystérieuse, rauque, caverneuse de son chanteur, rappellent d’emblée les ambiances « cabaret enfumé » de Tom Waits. Un Waits qui aurait rencontré Louise Attaque et quelques personnages burtonniens dans un pub mal famé de la capitale française, pour ensuite terminer sous les ponts de la belle, au bord de la Seine, une nuit de pleine lune. Car c’est aussi au loup-garou de Paris que l’on pense ici. Un loup bien seul, en mal d’amour, un mal qu’il susurre à demi-souffle, à demi-ton, d’une voix brute, incroyablement sensuelle.

Au détour de La vieille, la belle et l’autre, vous rencontrerez guitare sèche, batterie, contrebasse, banjo, mais aussi des instruments plus atypiques tel bandonéon, scie musicale et autre métallophone, mêlés à d’étranges sons d’ambience  le souffle du vent ou le chant des fantômes (?), les complaintes de créatures de la nuit, des bruits de pas et de portes… Magistrale danse que nous livrent là ces outils sonores, comme pour en ajouter encore à l’angoisse des paroles.

Ecouter Le cortège, c’est vous plonger dans le Paris sale des siècles passés, évocation de morts et têtes… de morts, de feu, de flammes, de chiens et de corbeaux, d’une foule hargneuse, de poussière et d’os… Et puis, c’est le clac sourd et régulier du pas des hommes soutenant la tombe, échine courbée, qui résonne durant les cinq minutes et trente secondes que dure le morceau. Cinq longues, lentes et angoissantes minutes… L’ambiance est souvent lourde dans les contes d’Oscar. Noire et pesante, comme si le quatuor s’amusait à nous effrayer. D’autres fois, plutôt que la peur c’est la folie qui nous capture : lorsque les cordes s’électrisent pour créer un tourbillon grisant. Enivrant.

Plus encore qu’un simple groupe parisien, Oscar Matzerath forme une véritable troupe de conteurs, créateurs de sombres histoires à faire peur. Diseurs d’étranges tranches de vie, de cruels évènements venus d’autrefois. Car, d’emblée, ces quatre artistes passent pour être les dignes maîtres d’une machine à remonter le temps. A se mettre hors du temps.

Sorcellerie, feu et flammes, crimes et sang, fantômes de fillettes et nuits d’orage, fleurs fânées, noirs pétales, corps et cœurs souillés. Tels de majestueux Baudelairiens du XXI ème siècle, les sorciers d’Oscar Matzerath sauront hanter vos lentes soirées d’hiver : blottis au coin du feu, par instant votre peau frissonnera, votre cœur se glacera, votre esprit s’en ira…

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